Au début 1957, le Département of Défense identifie le besoin de disposer d'un lanceur lourd pour placer sur orbite ses satellites dans les prochaines années. Il demande à l'Army Ballistic Missile Agency, dans lequel travaille l'équipe de Wernher von Braun, de se pencher sur le sujet. L'ingénieur allemand propose d'assembler huit fusées Redstone en fagot pour en faire un lanceur puissant qui prend le nom de Super Jupiter. Le DoD accepte de financer le projet en août 1958 avant de l'abandonner quelques mois plus tard au profit d'autres lanceurs en cours de développement, dont la Titan III.
La Super Jupiter aurait pu rester dans les cartons si la NASA n'y avait pas montré de l'intérêt. En 1959, elle demande le transfert de l'équipe de von Braun et de ses fusées en son sein dans ce qui deviendra le Marshall Space Flight Center. En parallèle, l'agence spatiale lance les études pour des gros lanceurs et des étages à propulsion cryogénique. A ce moment, aucun réel objectif n'est assigné à ces fusées si ce n'est un hypothétique vol en direction de la Lune. Dans cette optique, une fusée géante Nova pourrait lancer 81,6 tonnes sur une trajectoire interplanétaire.
Le 25 mai 1961, le Président Kennedy lance le programme Apollo qui vise à envoyer un homme sur la Lune avant la fin de la décennie mais surtout avant les Soviétiques. Ce projet pharaonique est l'occasion de passer de la planche à dessin au pas de tir. L'architecture des lanceurs va peu à peu se figer pour donner naissance à la famille Saturn. Le premier représentant est la Saturn I.
Saturn I est le premier lanceur qui n'est pas une adaptation d'un missile. Il est conçu pour valider le système de propulsion qui sera réutilisé sur Saturn IB. Il est lancé à dix reprises entre le 27 octobre 1961 et le 30 juillet 1965. Les quatre premiers lancements, seul le premier étage est fonctionnel. Toute la partie haute est factice. Aucune mise sur orbite n'est réalisée. Dans le jargon de la NASA, on parle de la version Block I. A partir de janvier 1964, un deuxième étage est monté sur Saturn I. Le Block II sert avant tout à tester la rentrée atmosphérique de maquettes représentatives du vaisseau Apollo. Les trois derniers lanceurs transportaient un satellite Pegasus conçu pour évaluer le danger représenté par les micrométéorites pour les engins spatiaux circulant en orbite basse.
Saturn IB est une version améliorée de Saturn I. Le deuxième étage est remplacé par le S-IVB plus performant. Il est pratiquement identique à celui qui sera monté sur Saturn V pour les missions lunaires.
Saturn IB effectue son premier lancement en février 1966 au cours duquel sont testés en conditions réelles le fonctionnement du module de service et de commande du vaisseau Apollo. D'autres missions se sont succédées pour évaluer les performances des différents équipements. Ces essais devaient aboutir à un premier vol habité pour février 1967. Mais à quelques jours du lancement, un incendie éclate à bord du vaisseau Apollo 1. Les astronautes Gus Grissom, Edward White et Roger Chaffee périssent sans avoir pu évacuer. Le programme est suspendu pendant plusieurs mois, le temps de corriger les nombreux problèmes de mise au point rencontrés avant et pendant l'accident. Ce n'est qu'en octobre 1968 que Saturn IB emporte un équipage dans l'espace au cours de la mission Apollo 7. Ce sera l'unique vol habité réalisé par la fusée dans le cadre du programme lunaire. En 1973, elle reprend du service pour emmener des équipages à bord de Skylab. Ils séjourneront à bord du laboratoire respectivement 28 jours, 59 jours et 84 jours. Un dernier vol de Saturn IB et du vaisseau Apollo a lieu en juillet 1975 pour la mission ASTP (Apollo Soyuz Test Project). Il s'agit d'une mission conjointe avec l'Union Soviétique pour celer le début de la détente entre les deux puissances spatiales.
Si Saturn IB est le plus puissant lanceur de l'époque, il ne l'est pas encore assez pour envoyer des hommes sur la Lune. C'est dans cet objectif qu'a été conçue Saturn V.
Ses dimensions et sa puissance sont sans aucune mesure avec qui a été fait jusqu'alors. Au décollage, la fusée pèse plus de 2 900 tonnes. Pour arracher une telle masse du sol, elle est équipée de cinq moteurs F-1 développant chacun une poussée de 6 900 kN, soit la moitié de ce que dégage une Ariane 5ECA ! Il consomme 2,6 tonnes d'ergols/seconde. En vol, les flammes produites par les moteurs s'étendent sur plusieurs centaines de mètres.
Après deux vols d'essai à vide réalisés en novembre 1967 et avril 1968, Saturn V est déclarée bonne pour le service. Son premier vol habité devait servir à tester le module lunaire en orbite terrestre. Suite à des retards dans la livraison de ce dernier, la NASA modifie les plans et décide de réaliser un survol de la Lune. Le choix audacieux de l'agence spatiale est avant tout dicté par des informations provenant de la CIA qui laissent entendre que l'Union Soviétique prépare ce genre de mission pour décembre 1968. Le 24 décembre 1968, l'équipage d'Apollo 8 passe le réveillon en orbite autour de la Lune. A Baïkonour, aucune fusée n'est lancée contrairement à ce qu'attendaient les pontes de la NASA. A partir de ce moment, tout s'accélère. En mars 1969, Apollo 9 teste le module lunaire en orbite terrestre et deux mois plus tard, c'est la répétition générale avec Apollo 10.
Le 16 juillet 1969, les astronautes Neil Armstrong, Buzz Aldrin et Michael Collins embarquent pour la mission Apollo 11. Objectif Lune. Armstrong et Aldrin s'y posent dans la nuit du 20 au 21 juillet tandis que Collins reste à bord du module de commande en orbite lunaire. « Un petit pas pour un homme, un bon de géant pour l'humanité » propulse le monde dans une ère où l'homme marche sur la Lune. Six autres missions se succèdent jusqu'en décembre 1972. Seule Apollo 13 n'ira pas sur notre satellite. Une explosion dans un réservoir contraint la NASA à annuler la mission et à mettre tout en oeuvre pour ramener l'équipage sur Terre sain et sauf.
Après la Lune, la NASA doit batailler ferme pour obtenir les crédits nécessaires à l'élaboration de la navette spatiale. En attendant son premier vol, l'agence spatiale décide de récupérer des éléments du programme Apollo pour réaliser un laboratoire orbital. Le troisième étage de Saturn V est transformé et devient le Skylab. Trois équipages l'occupent de mai 1973 à février 1974. Skylab finit par se désintégrer en rentrant dans l'atmosphère en mai 1979. Deux ans avant le premier vol de la navette Columbia.
Sources
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