Cookie Consent by Free Privacy Policy Generator
×
Destination Orbite - Le site de l'exploration de l'espace
Lancement Columbia STS-83
Photo NASA

Les lanceurs américains Space Transportation System

01-01-2017 (Màj: 01-01-2017) Philippe Volvert

Historique

Avant même que l'Homme ne marche sur la Lune, la NASA planche déjà sur ce qui sera l'après Apollo. Selon elle, il faut rentabiliser l'espace ou du moins faire en sorte que son accès coûte moins cher. Elle décide donc de remplacer les fusées à utilisation unique par un engin réutilisable. Son calcul peut paraître évident mais l'histoire démontrera le contraire. Dans un premier temps, l'engin réutilisable est un avion spatial qui est attaché sur un gros avion porteur. L'avion porteur décolle comme tous les appareils du genre. Son objectif est de larguer l'avion spatial à 80 km d'altitude. De là, ce dernier allume ses moteurs pour atteindre la bonne orbite et la bonne vitesse, soit environ 28 000 km/h à 300 km d'altitude.

Pendant ce temps, l'avion porteur revient sur Terre. Ce système, bien que très économique une fois opérationnel est un vrai casse-tête technologique et très cher au développement. C'est à ce moment là que la NASA se tourne vers l'armée. Si les militaires voient en la navette un engin qui peut être utile, ils pourraient participer aux frais et donc diminuer la facture pour la NASA. Elle demande à l'armée quelles sont ses attentes et quel genre de missions elle voudrait voir se réaliser avec un tel engin. A ce moment là, l'armée exploite des satellites espions de grande taille. Elle voudrait que la navette puisse au cours de sa première orbite larguer son satellite puis revenir sur n'importe quelle base militaire, à l'abri de tout regard. La NASA se voit donc contrainte de doter la navette d'une grande soute de 18 m de long et d'une voilure importante (24 m de large pour 37 m de long). Exit la petite navette constituée d'une cabine spacieuse et d'une petite soute pour les expériences. La NASA retravaille le concept d'engin réutilisable.

En janvier 1972, le programme est officialisé par le président Nixon. La navette spatiale, ou de son vrai nom « Space Transportation System » est un engin peu aérodynamique. On est loin des fusées aux formes élancées. Elle se compose d'une navette spatiale (Orbiter Vehicle), propulsée par trois moteurs cryogéniques alimentés en hydrogène et oxygène liquide par un énorme réservoir flanqué sous son ventre (External Tank). De part et d'autre de l'External Tank, on trouve 2 gros boosters à poudre, plus communément appelés Solid Rocket Booster. Au début du programme, la NASA envisageait d'utiliser des boosters cryogéniques. Mais le coût de développement de tels boosters était trop important. On opta donc pour des boosters à poudre facile à l'entretien, moins chers mais avec le défaut de ne pas pouvoir s'éteindre au moindre problème. En janvier 1986, c'est la défaillance de l'un de ces boosters qui sera la cause de l'explosion de la navette Challenger.

Au début, on envisageait 50 lancements par an. Pour tenir un tel calendrier de lancement, la NASA aurait besoin de plusieurs orbiters. Dans les années 70, elle passe commande de 5 navettes. Chacune d'elle possède un code d'identification. Columbia est l'OV-102 (Orbiter Vehicle-102). La flotte comprend également l'OV-103 Discovery, l'OV-104 Atlantis et l'OV-105 Endeavour. Cette dernière a remplacé la navette Challenger, détruite en vol le 28 janvier 1986. Les 2 autres véhicules sont l'OV-101 Enterprise et l'OV-099 Challenger. Dans un premier temps, l'OV-101 devait compléter la flotte spatiale, tandis que l'OV-099 était destinée aux divers essais dont des tests d'atterrissage. Pour des raisons budgétaires, la NASA a décidé de modifier, non pas l'OV-101, mais l'OV-099, en cours de construction, pour les vols spatiaux.

La NASA mise tout sur la navette. Elle veut remplacer toutes les fusées américaines. Elle envisage de l'utiliser pour lancer des satellites commerciaux, des laboratoires, pour construire une gigantesque station spatiale. Avec la navette, fini le temps des astronautes de l'étoffe des héros. En plus des pilotes, maintenant, des scientifiques feront partie des équipages. Avec la navette, une nouvelle classe d'astronautes est née, celle des spécialistes de mission et spécialistes de charges utiles. Tout semble rose dans le petit monde de la NASA. En apparence en tous les cas. Car en réalité, la mise au point de la navette est un véritable cauchemar. Par exemple lors de la rentrée atmosphérique, la navette doit être protégée par un bouclier thermique car elle peut s'échauffer à plus de 1 400° Celsius lorsque qu'elle traverse les couches les plus denses de l'atmosphère. Le bouclier est un ensemble de 32 000 tuiles thermique qui sont collées sur le ventre et les zones les plus chauffées lors du retour. Après la pose des tuiles sur la carlingue de Columbia, une partie d'entre-elles commence à se détacher. Il faut modifier le système et recoller toutes les tuiles manquantes. Les moteurs sont aussi très délicats à mettre au point. La NASA remarque que la navette ne pourra jamais voler 50 fois dans l'année. Elle coûte trop chère et les préparatifs de lancement sont plus longs que prévus. La moitié des missions sont annulées. Maintenant, la NASA n'envisage qu'une trentaine de lancement par an à partir des années 90. Si la navette est un engin exceptionnel pour lancer des charges utiles à moins de 600 km, elle est très mal adaptée pour envoyer des satellites en orbite géostationnaire. Elle ne peut monter plus haut que 1 000 km. Pour lancer un satellite à 36 000 km, celui-ci doit être doté d'un moteur supplémentaire. La NASA demanda à l'Europe de fournir ce moteur. Quelques mois plus tard, la NASA change sa proposition. A la place du moteur, elle passe commande pour 1 laboratoire qui sera embarqué à bord de la navette. Ce laboratoire porte le nom de Spacelab.

En 1979, Columbia est terminée. Durant 2 ans, elle va subir toute une série de tests dont une mise à feu en février 1981. Pendant ce temps, les premiers équipages s'entraînent pour leur mission. Après un report le 10 avril 1981, elle s'élève majestueusement dans le ciel matinal de la Floride. Par le hasard des choses, le lancement intervient le 12 avril 1981, soit 20 ans jours pour jours après le vol de Yuri Gagarine. Après deux minutes de vol, les 2 boosters sont largués. Quelques six minutes plus tard, Columbia entame sa première orbite. A son bord se trouvent les deux astronautes John Young et Robert Crippen. La mission STS-1 ne dure que 54 heures. Le retour sur Terre commence à la 36ème orbite. Au bout de 50 minutes de vol plané, l'engin touche le sol de la base d'Edwards en Californie. Le 12 novembre 1981, Columbia devient le premier engin à retourner dans l'espace. Elle y retourne encore 3 fois jusqu'à la fin 1982. Au cours de ce dernier vol, STS-5, elle largue ses 2 premiers satellites de communications SBS 3 et Anik C3.

Le système est déclaré opérationnel et devient le concurrent de la fusée Ariane pour le lancement des satellites commerciaux. En avril 1983, Challenger (STS-6) est mise en service suivie par Discovery en 1984 (41D) et Atlantis en 1985 à l'occasion de la mission 51J. Mais le 28 janvier 1986, le drame frappe la NASA de plein fouet. Challenger explose en plein vol tuant du même coup les 7 astronautes à son bord.

Ce n'est que le 29 septembre 1988 que les navettes américaines reprennent le chemin de l'espace. Durant ces 32 mois, elles ont subi plus de 450 modifications, les plus notables étant liées aux boosters à poudre responsables de l'accident. Challenger est remplacée en mai 1992 par OV-105 Endeavour (STS-49), la plus moderne des navettes. Le rapport accablant de la commission d'enquête oblige la NASA à revoir sa copie du programme spatial américain. Maintenant, plus question de vols commerciaux. Ces lancements seront effectués par des fusées classiques. La priorité est donnée aux missions militaires puis scientifiques jusqu'en 1992. Depuis, les militaires n'utilisent plus la navette pour leurs missions secrètes. Plus question de précipiter un lancement. Des restrictions budgétaires obligent la NASA à n'effectuer que 8 vols par an maximum. Toutes ces règles n'empêchent pas la NASA de réaliser des missions spectaculaires comme le largage de la sonde Magellan qui a cartographié Vénus 15 mois plus tard ou encore Galileo qui a étudié en profondeur Jupiter et ses lunes. L'Europe aussi est à l'honneur avec l'envoi d'Ulysse, la première sonde à sortir du plan de l'écliptique. L'écliptique, c'est comme si tout le système solaire tournait sur un plateau invisible. Sortie de ce plan, Ulysse a permis aux scientifiques d'observer pour la première fois les pôles Nord et Sud du Soleil. Spectacle aussi lors de la réparation du gigantesque satellite Intelsat VI, tombé en panne après son lancement. Trois astronautes sortent d'Endeavour pour aller récupérer à la main l'engin de 4 200 kg et le descendre sur son nouveau moteur avant de le larguer pour qu'il puisse être utilisé à nouveau. Quelques mois plus tard, les astronautes tentaient de larguer un satellite grâce à un câble de 20 km de long. Retenu par ce fil, le satellite TSS aurait dû fournir, à titre expérimental, du courant à la navette. Mais une panne mécanique en a décidé autrement. Les missions que l'on retiendra le plus sont celles liées au Hubble Space Telescope, au ravitaillement de la station orbitale russe Mir et à la construction de l'International Space Station. Lorsqu'il est lancé en avril 1990 par Discovery, tout le monde espérait que Hubble nous fournirait des images de la naissance de l'Univers. Hélas, un défaut dans son miroir principal le condamne au flou le plus total. Une prestigieuse mission menée par une équipe exceptionnelle en décembre 1993 permet de sauver le plus cher des satellites. En décembre 1998, la navette Endeavour décollait pour la première des dizaines de missions destinées à l'assemblage de la station spatiale désignée ISS. Cet ensemble pèsera plus de 400 tonnes une fois assemblé. Il ne nécessitera pas moins de 45 vols de fusées russes et navettes américaines pour le transport de toutes les pièces. En 2010, le mécano géant de 108 m de long pour 88 m de large. A bord de Columbia, les astronautes font de la science avec Spacelab. Au cours de ces vols, les équipages étudient la biologie, la physique, la mécanique des matériaux et des fluides, les sciences de la vie.

En 1996, la NASA choisissait Lockheed Martin pour sortir des cartons le projet X-33, destiné à remplacer la navette d'ici 2020. L'engin était un avion avec une soute d'une dimension assez proche de celle de la navette actuelle, avec ses réservoirs de carburants incorporés. Très vite, la complexité du projet l'a fait avorter. D'autres idées ont émergé mais n'ont pas été concluantes. La NASA s'est résignée à continuer à utiliser la navette à des coûts exorbitants. A coup de millions de dollars, elle modernise sa flotte pour la rendre la plus performante et la plus sécurisante possible. Mais le 01 février 2003, l'aînée Columbia se désintègre lors du retour sur Terre. L'accident paralyse la NASA et la construction de l'ISS.

En s'appuyant sur le rapport de la commission d'enquête et le nombre de vols que chaque orbiter peut effectuer avant le prochain gros entretien, la NASA a établi un manifeste comportant 20 missions exclusivement dédiées à la finition de la station spatiale. Exit donc l'ultime entretien du télescope spatial Hubble. Le tôlé a été tel que la NASA a revu sa position et a remis la mission dans le planning. Mais pourquoi avoir, dans un premier temps, annulé la mission? Après l'accident de Columbia, plusieurs exigences ont été rédigées dans le rapport d'enquête. Parmi celles-ci se trouve l'obligation d'avoir une navette prête à secourir un équipage sur orbite dans le cas où son orbiter ne serait pas apte à le ramener sain et sauf sur Terre. En attendant d'être secouru, l'équipage se serait réfugié dans la station spatiale internationale. Si une anomalie grave avait frappé la navette pendant l'entretien de Hubble, les astronautes ne pouvaient pas rejoindre l'ISS qui se trouve sur une orbite différente. Pour la NASA, l'équipage était condamné à coup sûr. Elle a donc étudié une procédure permettant de sauver l'équipage sans avoir besoin de l'ISS. Pour se faire, la navette emportait plus de vivres et autres que nécessaires pour une mission ordinaire, afin que l'équipage puisse tenir le temps d'être secouru par la navette de secours. En mai 2010, Endeavour installait l'instrument scientifique AMS-2 mettant un point final à l'achèvement de la construction de l'ISS pour la partie occidentale. L'aventure de la navette allait connaître un dernier rebondissement. Atlantis qui devait servir de secours à Endeavour n'a pas eu besoin de décoller. La NASA décide d'en faire une ultime mission logistique à destination de l'ISS. C'est ainsi que se termine l'histoire de la navette spatiale.

Le jour du trentième anniversaire du premier vol de Columbia, Charles Bolden, l'administrateur de la NASA dévoilait le lieu où seraient entreposées les trois navettes spatiales encore restantes ainsi que le prototype Enterprise. Entreprise est à l'Intrepid Sea, Air and Space Museum de New York, Discovery a pris la place d'Enterprise au Udvar-Hazy Center du National Space and Air Museum de Washington, Endeavour est au California Science Center. Quant à Atlantis, elle est restée à la maison, au Kennedy Space Center, là où toute l'histoire a commencé en ce beau jour du 12 avril 1981.

Fiches techniques

Sources