Io a été la révélation qui a bouleversé l'exploration des planètes géantes du système solaire. Jusqu'à l'avènement des missions Voyager dans les années 70, il y avait un consensus scientifique pour dire que les lunes des planètes Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune ne devaient être très différentes de notre lune. C'est-à-dire des astres grisâtres, grêlés de cratères de toutes tailles avec une géologie figée depuis des millions sinon des milliards d'années. Lorsque le « Grand Tour » (survol en une seule traite de toutes les planètes géantes) est imaginé par la NASA, les sondes Voyager devaient essentiellement se focaliser sur les planètes sans trop s'attarder sur leurs lunes. Tout au plus quelques clichés devaient être pris, histoire de voir à quoi ça ressemble. Lors du survol de Jupiter en 1979, l'ingénieur de navigation Linda A. Morabito découvre une forme en arrière plan de Io. Dans un premier temps, elle suppose qu'il s'agit d'une nouvelle lune qui n'avait été repérée jusqu'alors avant de se rendre compte que cette forme faisait partie intégrante de la lune. Il s'agissait d'un panache de gaz craché par un volcan en éruption. C'est la première fois que l'on observe une activité géologique sur un autre astre que la Terre. Sur les clichés retransmis par les Voyager, les scientifiques dénombrent des centaines de caldeiras dont plusieurs dizaines en activités. Il n'en fallait pas plus à la NASA pour qu'elle réorganise le plan de vol de ses sondes en donnant priorité aux lunes.
Io est l'une des quatre lunes découvertes par Galilée en 1610 mais aussi celle qui orbite le plus près de Jupiter. L'orbite d'Io traverse également les lignes du champ magnétique de Jupiter, ce qui génère un courant électrique d'une puissance de plus de 1 terawatt. Il ionise les particules éjectées de la surface de Io qui alimente un tore qui épouse parfaitement l'orbite de la volcanique lune de Jupiter.
Comme pour beaucoup de lunes, la période de révolution de Io autour de Jupiter est exactement égal à celui de sa période de rotation, ce qui signifie qu'elle présente toujours la même face à sa planète mère.
La surface de Io est renouvelée de façon continuelle par les écoulements de lave provenant des éruptions volcaniques. La quantité de lave est cent fois supérieure à ce que produisent tous les volcans terrestres en activités réunis. De nombreux reliefs ont été identifiés dont certains s'élèvent plus haut que l'Everest.
Les sondes spatiales ont détecté la présence d'une faible atmosphère. Elle est constituée d'atomes de sodium libérés de la surface par les impacts permanents de micrométéorites.
Io est l'astre le plus actif sur le plan géologique dans le système solaire. Avec sa petite taille, il n'aurait pu maintenir son coeur suffisamment chaud aussi longtemps pour alimenter une activité géologique comme les éruptions volcaniques. Io est le résultat du phénomène d'accrétion qui est à l'origine de sa structure actuelle avec un coeur de roches de silicate en fusion. C'est ce dernier qui alimente en lave les centaines de volcans éparpillés à la surface de la lune. En 4 milliards d'années, ce coeur aurait dû se refroidir rapidement. Hors ce n'est pas le cas. Mieux encore, il est deux fois plus chaud que celui de notre planète alors qu'il est largement plus petit ! Les scientifiques devaient trouver une explication à ce phénomène.
Io est un astre tiraillé par la force d'attraction de Jupiter et des lunes Europa et Ganymede. Cela engendre des marées très puissantes qui peuvent soulever la croûte jusqu'à 100 m. C'est suffisant pour chauffer la roche interne à plus de 1 300° Celsius et qui va par la suite alimenter en lave les volcans.
Les géologues qui ont intégrés les équipes de la NASA ont estimé que la surface de Io était recouverte de caldeiras à hauteur de 5 %, ce qui est énorme. Elles se présentent sous forme circulaires ou allongées. Elles peuvent mesurer jusqu'à 2 000 m de diamètre. Si elles ont connu un épisode éruptif récent, elles peuvent être entourées d'un anneau rougeâtre.
Les poussées éruptives percent la croûte épaisse d'environ 50 km et se vaporisent sous forme de panaches de sulfures de couleur bleue. La teinte bleutée est le résultat de l'interaction entre les particules de dioxyde de soufre émanent des volcans et les particules énergétiques du champ magnétique de Jupiter. Ces dernières cassent les particules de dioxyde de soufre pour former des ions qui prennent alors une couleur bleutée. En refroidissant, elles se transforment en cristaux de glace qui retombent sous forme de neige qui colore la surface en blanc.
En une seconde, près de 10 000 tonnes de matière sont éjectées à une vitesse variant entre 1 000 et 3 600 km/h. En fonction de la vitesse d'éjection, les gaz éruptifs peuvent monter jusqu'à 280 km d'altitude. Les géologues ont estimés que chaque année, plus de 100 milliards de tonnes de matériaux sont déversés à la surface de Io sous forme de neige et de lave. A ce rythme, il ne faudrait pas plus de 10 000 ans pour recouvrir toute la surface de Io d'un mètre de matériaux éruptifs.
Io circule à 422 000 km de distance de Jupiter à l'intérieur du champ magnétique interne de la planète. Celui-ci balaie les matériaux volatils de la surface de Io vers l'arrière de la lune et les ionise pour donner naissance à un tore de radiation intense appelé tore magnétique. A travers lui, Io peut développer un courant d'une puissance de 400 000 volts et d'une intensité de 3 millions d'ampères. Le courant électrique généré suit les lignes magnétiques de Jupiter jusqu'à l'atmosphère supérieure de la planète où il se décharge sous forme de foudre.
Sources