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Photo NASA

Apollo 11: 50 ans - Partie 8

23-07-2019 (Màj: 23-07-2019) Philippe Volvert

Il y a tout juste 50 ans, la mission Apollo 11 entrait dans l'histoire comme la première mission à s'être posée à la surface d'un autre monde. Les trois astronautes ont repris le chemin du retour. Objectif : Revenir sur Terre.

Pour célébrer cet anniversaire, Destination Orbite compte mettre les petits plats dans les grands en proposant une série d'articles et interviews qui couvriront les huit jours de la mission Apollo 11.

23 juillet 2019

Apollo 11 emportant Neil A. Armstrong, Buzz E. Aldrin et Michael Collins est en transit entre la Lune et la Terre. Les astronautes font désormais route vers notre planète. Aucun évènement majeur ne marquera la mission jusqu'à l'amerrissage le 24 juillet.

Après avoir évoqué sa carrière comme responsable des vols paraboliques à l'Agence Spatiale Européenne et sa candidature comme astronaute européen, Vladimir Pletser nous parle de ses expéditions dans le cadre du projet Mars Society. Par ailleurs, il relate deux de ses simulations martiennes dans le livre « En avant, Mars ! : Chronique de simulations martiennes » paru en 2003 aux Editions Labor.

En avant Mars!

Votre carrière a été largement orientée vers le vol habité, notamment la préparation des expériences et les vols paraboliques. Votre expérience vous a conduit jusqu'à devenir membre de la Mars Society. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Il faut voir Mars comme le but suivant de l'exploration spatiale. En parallèle aux agences spatiales (Nasa, ESA, ...) qui travaillent sur le sujet, il y a un groupe privé qui s'est formé et qui s'appelle la Mars Society. Elle a été créée au milieu des années 90 par Robert Zubrin, ingénieur à la NASA. La Mars Society avait comme but final de promouvoir les missions d'exploration planétaire, et de Mars en particulier. Elle voulait réaliser des missions de démonstration de faisabilité technique. Pour se faire, elle a installé dans le Grand Nord canadien, sur l'île de Devon, une base martienne qui ressemblerait à ce qui pourrait se faire sur Mars. L'idée c'était de démontrer la faisabilité technique de ce genre de mission, de voir comment des groupes de scientifiques et d'ingénieurs pourraient travailler ensemble suivant un protocole de recherche spatiale. C'est-à-dire, enfermés dans l'habitat et ne sortant que revêtus d'une combinaison de sortie extravéhiculaire pour conduire des expériences à l'extérieur, en plus des expériences conduites à l'intérieur.

Vous avez également participé activement aux simulations martiennes. Vous êtes partis à trois reprises. Pourriez-vous nous expliquer ce que vous avez fait lors de votre première mission en 2001 ?

Quand j'ai entendu parler de ce projet, j'ai posé ma candidature. J'ai eu la chance d'être retenu pour faire partie des premiers équipages parmi les 250 candidatures et participer à des missions de quelques semaines.

Je m'étais associé à mon amie et collègue le Professeur Véronique Dehant, de l'Université Catholique de Louvain, et qui travaille également à l'Observatoire royal de Belgique à Uccle, pour proposer une expérience de détection d'eau sous-terraine. Il faut savoir qu'il est important pour les futurs astronautes de pouvoir détecter l'eau sous la surface de Mars. On sait qu'il n'y en a pas sous forme liquide à la surface mais qu'il y a des poches d'eau et de glace sous la surface à une certaine profondeur. L'important est de savoir les détecter pour pouvoir les utiliser à des fins domestiques mais également comme carburant. L'expérience a démontré que cette expérience était faisable en conditions de sortie extravéhiculaire.

En 2002, vous êtes repartis mais n'avez pu reconduire l'expérience. Qu'avez-vous fait en remplacement ?

L'année suivante, la Mars Society venait d'installer un autre habitat, cette fois dans le désert de l'Utah. Robert Zubrin m'a contacté pour reconduire la même expérience. Malheureusement, le matériel nécessaire n'était pas disponible à ce moment là. Mais j'ai proposé une autre idée. Une expérience de psychologie appliquée où l'on voulait voir l'impact de faire pousser des plantes à l'intérieur de l'habitat mais aussi à l'extérieur dans une serre mais à laquelle on ne pouvait accéder uniquement en étant revêtu d'une combinaison. C'était un déplacement plus lourd avec des conditions de travail un peu plus compliquées. On a pu mettre en évidence que l'équipage était plus attentif aux plantes dans l'habitat que dans la serre. A la fin de la mission, on a récolté ce que nous avions fait pousser (salade, choux chinois, ...) avec l'émerveillement d'avoir pu faire pousser quelque chose dans le désert et pouvoir le partager lors d'un dernier repas tous ensemble la veille de notre départ.

Vous êtes repartis une troisième fois quelques années plus tard. Cette fois, en tant que commandant d'équipage. Pouvez-vous nous en dire plus ?

J'y suis retourné une troisième fois en 2009, comme commandant d'équipage dans le cadre du programme EuroGeoMars. C'est un programme proposé par des chercheurs et collègues à l'ESA. On voulait étudier quel type d'instrumentation et d'interfaces qu'il fallait modifier ou adapter pour pouvoir les qualifier pour les futures missions planétaires. Cela touchait le domaine de l'astronomie, de la géologie et de la biologie principalement, mais on a fait d'autres expériences de développement technologique. Ca se déroulait sur trois rotations, c'est-à-dire que nous avons eu trois campagnes de simulations, chaque fois avec un équipage différent. Et j'étais le commandant de l'un de ces équipages. C'était très intéressant parce que parmi nous, il y avait de jeunes étudiants mais également une biologiste, deux collègues ingénieurs.

Au cours de ces simulations, vous avez dû vous adapter aux conditions d'une mission martienne. Avez-vous des exemples, anecdotes à nous raconter ?

Ce qui était également intéressant, outre le protocole de ne sortir qu'en combinaison, c'était de faire attention aux quantités d'eau que l'on utilisait de manière à mesurer ce qu'un équipage d'une mission martienne devait consommer au minimum. On avait comme consigne, pas forcément de ne pas se laver mais de restreindre la quantité d'eau que l'on utilisait pour se laver. On avait droit à une douche tous les 2 à 3 jours. Il fallait utiliser l'approche des sous-mariniers. C'est-à-dire que l'on se mettait sous la douche pour se mouiller, on fermait le robinet, on se savonnait un petit peu, on ouvrait vite le robinet pour se rincer. Voilà un premier exemple très simple.

Un autre exemple c'était lors de ma première simulation. J'avais avec moi un ordinateur de terrain pour pouvoir enregistrer les signaux de notre expérience. Comme ça se passait à l'extérieur, je portais ma combinaison avec une paire de gants épais (imaginez porter deux paires de gants pour le ski) qui m'empêchait de plier complètement les doigts ou de pousser sur un bouton ou une touche du clavier sans heurter les touches autour. On a trouvé un simple truc, c'était d'attacher un crayon ou un clou à l'index du gant avec un morceau de papier collant. Ainsi, on arrivait à ne toucher qu'une seule touche ou même écrire sur un bout de papier.

Nous avons pu mettre en évidence un autre problème : comment gérer les connaissances acquises lors de l'exploration des planètes et comment les rendre disponibles aux équipages suivants ? Le problème n'est pas simple contrairement à ce que l'on pourrait penser. Il faut bien réaliser que la Terre est assez loin de Mars et qu'il faut compter 40 minutes au mieux pour recevoir la réponse à une demande envoyée par signal radio et ça peut augmenter jusqu'à une heure et demi. Et donc, centraliser toutes les données sur Terre n'est pas une bonne idée. Il faudra donc que les bases martiennes soient connectées entre elles sous un format intranet pour consulter toutes les connaissances acquises. Elles devront être gérées par des cartographes, des administrateurs de systèmes, ... On passera d'un équipage d'astronautes explorateurs dans un premier temps à un équipage d'astronautes scientifiques, administrateurs et autres qui vont gérer tout ça.

Pour aller sur Mars, est-ce une bonne idée de passer par la Lune ?

C'est la question que l'on peut se poser et qui est fondamentale. Personnellement, je crois que non. On peut aller directement sur Mars. Si on veut faire le détour par la Lune, ça coûte plus cher en énergie et en carburant qu'une mission directe vers Mars. D'un autre côté, il y a les intérêts économiques, industriels et puis l'approche politique aussi. La Lune est beaucoup plus proche, on y est en 2,5 jours de vol. On peut déjà construire les modules, les véhicules pour y aller. Ce sont des contrats que l'on pourrait concrétiser assez rapidement. Il y a un intérêt beaucoup plus tangibles alors que Mars, on n'a pas encore toutes les technologies, ni les budgets pour développer les équipements.

Aujourd'hui, on fête les 50 ans de la mission Apollo 11. Avez-vous un souvenir de cette époque ?

Oui, tout à fait ! J'avais 13 ans et mes parents savaient que j'étais passionné par l'espace. Mon père est venu me réveiller vers 1 ou 2 heures du matin. On a regardé la télévision, en noir et blanc à l'époque, avec ces images un peu graineuses, ou l'on voyait le LEM posé sur la Lune. On a attendu jusque 3 heures 30 avant de voir s'ouvrir la porte, avec les commentaires des speakers tout excités. Ils expliquaient que Neil Armstrong allait descendre de l'échelle, poser le pied sur la surface. Puis Armstrong a eu cette phrase célèbre « One small step for a man. One giant leap for mankind », que l'on n'a pas bien comprise parce que les communications étaient mauvaises mais c'était extraordinaire. C'était fabuleux de voir ça ! Je me suis ensuite précipité dehors pour voir si la Lune était visible. Elle ne l'était pas trop. A cet instant là, je me suis dit que c'est incroyable qu'en ce moment, il y a des hommes sur la Lune. Quelle époque extraordinaire. J'étais essoufflé ! Ca a renforcé mon idée de travailler dans le spatial et qui sait, peut-être même devenir astronaute.

Sources

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