Cookie Consent by Free Privacy Policy Generator
×
Destination Orbite - Le site de l'exploration de l'espace
Titan par la sonde Cassini
Photo NASA/JPL/Space Science Institute

La lune Titan

01-01-2017 (Màj: 01-01-2017) Philippe Volvert

Présentation générale de Titan

Titan, la plus grande lune de Saturne, a été découverte en 1655 par Christiaan Huygens. Quelques 200 ans plus tard, l'astronome Comas Sola rapporte qu'il y a peut-être une atmosphère autour de Titan. Gerard Kuiper obtient une confirmation en 1944 lorsqu'il l'observe à travers un spectromètre et qu'il découvre une atmosphère riche en méthane. Mais il faudra attendre les missions Voyager dans les années 80 pour en savoir davantage sur cette mystérieuse lune. La composition chimique de l'atmosphère est connue. L'azote se réserve la part du lion avec une proportion comprise entre 82 et 94 %. Le reste est dévolu aux autres composants comme le méthane, l'argon entre autre. La présence d'argon dans l'atmosphère de Titan témoigne d'une activité géologique. Quant à la présence de méthane, gaz qui a une durée de vie de 10 à 20 millions d'années, il faudra attendre 25 ans avant de comprendre son origine.

Titan, une Terre primitive

Les sondes Voyager ont également détecté la présence dans l'atmosphère de Titan d'acide cyanhydrique. Ces tholins, comme les a appelés Carl Sagan, sont le résultat d'une chimie prébiotique. Le méthane a tendance à monter dans les hautes couches atmosphériques avant d'être transformé au contact du rayonnement ultraviolet du Soleil. Les molécules organiques complexes qui en résultent se présentent sous forme d'acides cyanhydriques, précurseurs des acides aminés et des bases des acides nucléiques. Plus lourdes que le méthane, elles retombent à la surface sous forme d'aérosols. Malgré le fait que la production de ces molécules doit être relativement faible, elle a été suffisante pour modeler la surface de Titan. Les sondes Cassini et Huygens ont mis en évidence la présence de réseaux d'hydrocarbures comme des lacs ou chenaux d'écoulement qui serpentent la surface. Ils sont recouverts dans leur fond par une couche sombre assimilée à une sorte de goudron.

Les acides cyanhydriques sont les précurseurs des acides aminés et des bases des acides nucléiques la base même du vivant. Mélangés avec de l'eau, les acides cyanhydriques peuvent fabriquer de l'adénine, une des quatre bases de l'ADN. Titan est une sorte de soupe primitive un peu comme l'était la anneau F de SaturneTerre avant que la vie n'y apparaisse. Titan contient presque tout les ingrédients pour faire émerger la vie si ce n'est une température trop basse.

L'origine du méthane

L'origine du méthane présent dans l'atmosphère de Titan est à rechercher dans l'histoire géologique de la lune. Selon le modèle actuel, Titan était consituée d'un coeur très chaud entouré par un océan d'eau ammoniaquée peu après sa formation. Des clathrates, molécules d'eau tenant prisonnière du méthane, se seraient formées avant de remonter à la surface où elles ont gelé constituant une épaisse couche de glace. Le noyau ne pouvant plus évacuer sa chaleur a fait monter la température de l'océan d'eau. Les clathrates en contact avec l'eau ont été cassées, libérant le méthane les contenant. Celui-ci s'est alors échappé de la croûte de glace par des failles, alimentant une atmosphère toujours plus riche. Les particules se sont ensuite condensées pour former des nuages et les premières averses. Au fil du temps, la couche de glace a suffisamment fondu pour que la chaleur du noyau soit à nouveau évacuée. Néanmoins, il semblerait qu'il ait connu un soubresaut et aurait connu une hausse de température ce qui a conduit à un nouvel éclatement massif des clathrates et un nouveau cycle de méthane comme on en connait sur Terre avec l'eau. Le surplus de chaleur étant évacué, la température a commencé à baisser de façon significative à tel point que l'azote gazeux présent dans l'atmosphère s'est mis à geler et recouvrir la surface d'une épaisse couche de glace. La croûte de glace très épaisse devient instable. Les glaces les plus chaudes remontent vers la surface alors que les plus froides s'enfoncent. Ces mouvements tectoniques donnent naissance à ce que les géologues appellent les « points chauds », zone d'évacuation de la matière. Mais ici, on ne parle pas de volcans crachant de la lave comme sur Terre mais de cryovolcanisme de glace fondue et de méthane libéré des clathrates lors des mouvements tectoniques.

Résultats obtenus par Huygens

Site d'atterrissage Huygens
Site d'atterrissage de Huygens replacé dans le contexte régional - Photo NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute (Agrandir)

Si Cassini nous en apprend un peu plus à chacun des survols de Titan qu'elle réalise, l'atterrisseur européen Huygens a permis aux scientifiques de faire un grand bond en avant. Le 14 janvier 2005, après 21 jours de vol libre, Huygens pénètre dans l'épaisse atmosphère de Titan. Tout au long de sa descente, l'engin nous a fourni bon nombre de données grâce à ses 6 instruments:

  • ACP (Aerosol Collector and Pyrolyser) destiné à la collecte des aérosols qui circulent dans l'atmosphère de Titan;
  • DWE (Doppler Wind Experiment) a mesuré la vitesse des vents par effet Doppler;
  • GCMS (Gas Chromatograph and Mass Spectrometer) a étudié la composition chimique de l'atmosphère;
  • HASI (Huygens Atmosphere Structure Instrument) devait mesurer les propriétés physique de l'atmosphère et notamment détecter les décharges électriques des coups de tonnerre;
  • SSP (Surface Science Package) a servi à déterminer les propriétés de la surface de Titan;
  • DISR (Descent Imager/Spectral Radiometer) est un instrument destiné à prendre des clichés durant le descente et à l'atterrissage.

Huygens a été larguée par la sonde Cassini le 24 décembre 2004. Ce n'est que 3 semaines plus tard que la sonde européenne pénètre dans les couches denses de l'atmosphère de Titan. Le premier contact a débuté vers 1 200 km à la vitesse de 22 000 km/h. Vers 170 km d'altitude, un premier parachute s'est déployé et donnant un premier coup de frein à la descente. Quelques 32 secondes plus tard, la sonde était à 160 km, altitude à laquelle, elle a libéré son bouclier thermique. Les instruments ont été activés et les premières mesures ont été prises. Au fur et à mesure que la sonde descendait vers la surface, elle a mesuré la vitesse du vent qui était variable selon l'altitude, une pression atmosphérique qui augmentait de façon constante mais à plus forte échelle à partir de 50 km environ. La température diminuait également de façon constante jusque 50 km (- 203°C) avant de remonter régulièrement jusqu'à atteindre le sol (- 180°C). Vers 15 km, les nuages sont dépassés et la surface a commencé à apparaître. Alors que les caméras prenaient les premières images, des structures étranges sont apparues. On pouvait y voir des chenaux ayant servi au drainage d'hydrocarbure et se jetant dans des étendues plus vastes, sorte de lacs. Aux abords de ces étendues, on y devine des rivages à l'instar de nos plages.

Les données envoyées par Huygens confirme la présence d'argon, signe d'une activité géologique. La teneur en méthane a été mesurée avec précision, soit 5 % près du sol contre 1,5% avant l'arrivée de la sonde.

A l'atterrissage, les premières données ont indiqué que la sonde s'est posée sur une surface meuble un peu comme le sable d'une plage. Le pénétrateur, qui s'est enfoncé à 15 cm de profondeur, a indiqué une constitution homogène.

Malgré une luminosité équivalente à 1/1000 de celle sur Terre, Huygens nous a montré un horizon bien distinct de l'atmosphère ce qui indique une surface dégagée de toute brume. La surface est constellée de galets ne dépassant pas 15 cm et constitués de glace. La chaleur de la sonde a fait fondre la glace comme en témoigne le dégazage qui s'en est suivi et qui a été détecté par les "renifleurs" de Huygens.

Résultats obtenus par Cassini

La sonde Cassini a été placée sur orbite autour de Saturne le 01 juillet 2004 au terme d'un voyage qui a commencé à Cap Canaveral le 15 octobre 1997. L'objectif de la sonde est d'étudier tous les aspects du système Saturne, que ce soit la planète elle-même, son environnement ou encore ses lunes et ses anneaux. Après les découvertes faites par Voyager dans les années 80, Titan est une cible de choix pour la sonde Cassini. Durant la mission initiale, d'une durée de 4 ans, la sonde a survolé Titan à 44 reprises.

Au fil des survols, le profil de Titan s'est affiné et notamment la cartographie de la surface à l'aide du radar qui équipe la sonde. La couverture nuageuse a également été étudiée plus en profondeur à l'aide de ses caméras.

La cartographie radar

Cartographie radar de la surface de Titan
Cette image de Titan de 90 x 150 km a été prise par le radar de Cassini le 22 février 2007. On peut y voir des zones sombres et des ramifications, preuve de la présence d'un réseau d'hydrocarbure à la surface de la lune - Photo NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute (Agrandir)

La cartographie radar a l'avantage de fournir des données de la surface d'un astre qu'il y ait des nuages ou non, que ce soit le jour ou la nuit. Le radar émet un écho que la surface réceptionne. En fonction de la nature du terrain l'écho sera reçu d'une façon différente. Les régions lisses absorbent mieux les ondes radar que les zones plus rugueuses, ce qui explique qu'elles sont plus sombres. Sur Titan, les zones sombres sont assimilées à des lacs comme en témoigne les nombreux chenaux découverts en bordure des taches sombres.

A partir de cette constatation, il est possible d'interpréter les résultats obtenus à l'aide du radar qui équipe la sonde Cassini. La résolution des images descend en-deçà du kilomètre. Ce qui veut dire que chaque pixel qui compose une image reçue est équivalent à moins d'un kilomètre dans la réalité. Les images récoltées nous montrent des terrains variés avec un taux faible de cratères, ce qui signifie que la surface de Titan a été modelée dans un passé géologiquement récent.

A la surface de Titan, on retrouve beaucoup de formations géologiques semblables à la Terre. Ainsi, à l'aide du radar de Cassini, les planétologues ont distingué ce qu'on appelle des "griffures de chat" (cat scratches). Il s'agit probablement de champs de dunes composées de particules de glace ou d'hydrocarbure. Elles pourraient avoir pour origine une action éolienne.

Tout comme Huygens le montrera lors de son atterrissage, des régions de Titan sont serpentées par des chenaux où du méthane ou des hydrocarbures ont circulé avant de se jeter dans des lacs. Ces lacs, comme le montre également les images de Cassini, sont de formes irrégulières et peuvent s'étendre jusqu'à passé 100 km. Ils sont le résultat des pluies et des écoulements liquides à la surface de Titan.

L'imagerie photographique

Imagerie de la surface de Titan
Image noir et blanc sur la gauche est un ensemble de prises de vue faites par la caméra ISS tandis que l'image infrarouge à droite est le résultat d'un composage de plusieurs clichés fournis par le VIMS - Photo NASA/JPL-Caltech/Space Science Institute (Agrandir)

A bord de Cassini, deux instruments ont été mis à contribution dans la compréhension du fonctionnement de l'atmosphère de Saturne. Il s'agit de l'ISS et du VIMS:

  • ISS (Imaging Science Subsystem) instrument permettant d'observer Titan depuis l'infrarouge à l'ultraviolet en passant par la lumière visible à l'aide de deux caméras; la Wide Angle Camera pour les grands angles et la Narrow Angle Camera pour les angles étroits;
  • VIMS (Visual and Infrared Mapping Spectrometer) spectromètre servant à identifier la composition de la surface et de l'atmosphère de Titan dans le domaine visible et l'infrarouge.

Les données VIMS sont complémentaires avec les données radar. Combinées, il est possible de dresser le portrait d'une région et en comprendre les mécanismes géologiques qui la façonnent. La région de Xanadu, grande comme l'Australie, est un exemple concret de la complémentarité des instruments. Le radar a fourni une image qui a montré une surface semblable à celle de la Terre avec la présence de reliefs comme des collines, montagnes, dunes mais aussi la présence de chenaux se déversant dans des réservoirs type lacs. La surface est l'une des plus brillantes sur Titan et aussi l'une des plus jeunes. Au sud-est, le VIMS a détecté ce que le radar n'a pu voir, à savoir une tache brillante dont la luminosité a varié entre les survols du 02 juillet 2004 et 18 mars 2006. Les planétologues pensent qu'il pourrait s'agir d'une éruption cryovolcanique. Mais contrairement aux autres régions de Titan, Xanadu n'est pas recouverte d'une couche de dépôts organiques. Sa surface est vraisemblablement recouverte de glace d'eau très poreuse.

VIMS a également mis en évidence un immense système de nuages de 2 400 km de diamètre partant de la région polaire nord et s'entendant jusqu'à 62° de latitude Nord. Longtemps prédit par les modèles de circulation atmosphérique, il a été découvert en décembre 2006 par Cassini. Les condensations responsables de ces nuages peuvent être à l'origine des liquides qui remplissent les lacs découverts par le radar lors des survols de Cassini.

Au pôle sud, le spectromètre VIMS a permis de découvrir une forme très brillante dans la couverture nuageuse. Tout porte à croire qu'il s'agit de méthane. Résultat d'une cryoéruption?

Les lacs de Titan

Lacs sur Titan
Le pôle Nord de Titan est parsemé de lacs d'hydrocarbures légers et d'azote liquide comme le Ligeia Mare ou encore le Kraken Mare. Ce dernier est la plus vaste étendue liquide connue sur Titan avec ses 1 170 km de long - Photo NASA/JPL-Caltech/ASI/USGS (Agrandir)

Il existe deux types de lacs et sont essentiellement situés dans les régions polaires. Les lacs permanents et les lacs intermittents. Les premiers sont de grande taille et persistent même pendant la saison chaude tandis que les seconds s'évaporent et viennent alimenter l'atmosphère avant de retomber sous forme de précipitations de gouttes mesurant en moyenne 1 cm de diamètre. La quantité de méthane évaporé ne correspond pas à la quantité de méthane présent dans l'atmosphère. Le rayonnement ultraviolet du Soleil le détruit après une dizaine de millions d'années. Si les lacs ne sont pas assez nombreux pour fournir la quantité mesurée dans l'atmosphère, c'est qu'il existe un autre procédé qui alimente cette dernière en méthane.

Le cryovolcanisme de Titan

Lacs sur Titan
Reconstitution de Titan à partir des données fournies par l'instrument VIMS en octobre 2004 qui montre ce que les planétologues pensent être un cryovolcan - Photo NASA (Agrandir)

Il existe deux types de lacs et sont essentiellement situés dans les régions polaires. Les lacs permanents et les lacs intermittents. Les premiers sont de grande taille et persistent même pendant la saison chaude tandis que les seconds s'évaporent et viennent alimenter l'atmosphère avant de retomber sous forme de précipitations de gouttes mesurant en moyenne 1 cm de diamètre. La quantité de méthane évaporé ne correspond pas à la quantité de méthane présent dans l'atmosphère. Le rayonnement ultraviolet du Soleil le détruit après une dizaine de millions d'années. Si les lacs ne sont pas assez nombreux pour fournir la quantité mesurée dans l'atmosphère, c'est qu'il existe un autre procédé qui alimente cette dernière en méthane.

Les indices d'un océan sous-terrain

Coupe de Titan
Selon les planétologues, Titan cacherait un océan global comme le montre cet écorché de la plus grande lune de Saturne - Photo A. D. Fortes/UCL/STFC/P. Volvert (Agrandir)

Les clichés pris par la sonde Cassini lors de 2 passages au-dessus de la même zone ne se superposent pas. Certains points se sont déplacés d'environ 30 km. D'après les calculs des chercheurs, la rotation serait en avance de 0,36° par rapport aux prévisions établies au préalable. La croûte de Titan tournerait légèrement plus vite que son coeur. Ce déplacement pourrait être dû au glissement de la croûte sur un océan situé à 100 km de profondeur. Mais certains chercheurs réfutent cette hypothèse et pensent plutôt à une oscillation des pôles expliquant le phénomène.

Titan en chiffres

  • Distance (km): 1 221 900
  • Inclinaison (degrés): 1,63
  • Révolution sidérale (en journée): 15,95
  • Taille (km): 5 150
  • Découverte: 1655

Sources