Dix jours après l'atterrissage de Philae sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko, l'heure est au bilan. Un bilan plutôt positif pour cette mission qui présentait de nombreux challenges à relever. Bien qu'elle ne soit pas parfaite, elle fait partie des grandes réussies européennes. Revenons-en à la journée du 12 novembre.
Il est 08 heures 35 UTC lorsque la sonde Rosetta libère Philae. Il entame un plongeon de 20 km qui doit l'emmener 7 heures plus tard sur la plaine d'Agilkia, située sur la face avant d'un des deux lobes constituant la comète. Il s'agit d'une zone de 900 m de long sur 600 m de large, ne présentant aucune pente supérieure à 30° et dépourvue de roches. Bref, le site idéal pour un atterrissage casse-cou. Les péripéties du robot sont suivies depuis le centre de contrôle de Darmstadt en Allemagne et depuis le centre d'opérations du CNES de Toulouse. Distante de 510 millions de km de la Terre, il faut 28 minutes à la sonde Rosetta pour envoyer les signaux reçus de Philae.
A 15 heures 34 UTC, Philae entre en contact avec la surface de la comète pour la première fois exactement dans la zone délimitée par les responsables de la mission. Après l'explosion de joie, les premiers doutes s'installent chez les scientifiques. Les données télémétriques indiquent que Philae n'est pas stabilisé, pire encore, que les harpons destinés à l'ancrer au sol ne se sont pas déployés. Dans un premier temps, personne n'est en mesure de comprendre la situation dans laquelle se sont déroulés exactement les évènements ni même la position exacte de l'engin sur la comète. Ce sont les informations recueillies plus tard en soirée qui permettent de reconstituer une première chronologie des faits. Si Philae a bel et bien touché le sol à l'heure prévue et sur la zone visée, il n'y s'y trouve pas pour autant. Et pour cause. En raison de la défectuosité du micropropulseur monté sur son dos et du non déploiement de ses deux harpons sensés l'ancrer au sol, Philae a rebondi à plusieurs reprises avant de se poser définitivement. Avec la très faible gravité qui règne sur la comète, le premier touché à la vitesse de 3,5 km/h a suffi pour repousser l'atterrisseur jusqu'à près d'un kilomètre d'altitude. Il lui faudra un peu moins de deux heures pour reprendre contact avec la surface pour rebondir une seconde fois avant de se stabiliser sept minutes plus tard entre deux rochers. A l'heure où ces lignes sont écrites, Philae n'a toujours pas été localisé. Rosetta va prendre des clichés dans les zones susceptibles d'abriter l'engin de façon à déterminer sa position et la suite des évènements.
À quelque chose malheur est bon. Et c'est le cas pour Philae ! Il était prévu d'activer une série d'instruments pendant la descente et une autre série une fois posé la surface. Grâce aux rebonds effectués sur une distance d'un kilomètre environ, il a pu prendre une série de mesures qui n'étaient pas prévues au programme et qui sont riches en enseignement. Lors du premier contact avec le sol, l'atterrisseur a soulevé de la poussière que l'instrument COSAC a analysée. Les premiers résultats indiquent la présence de molécules organiques complexes avec au moins 3 atomes de carbone. Pour l'heure, l'équipe en charge de la mission estime que Philae a réalisé 80 % de son programme scientifique. Le seul doute qui subsiste concerne les résultats de l'analyse d'échantillons. Une foreuse devait s'enfoncer jusqu'à 50 cm de profondeur et prélever des échantillons pour les amener dans l'un des 26 fours à usage unique afin d'extraire les gaz pour analyse. Dix jours après l'atterrissage, l'équipe en charge de l'interprétation des données ne sait si la collecte a été effectuée et si c'est le cas, si l'échantillon prélevé était assez important pour donner des résultats exploitables.
Deux jours après l'atterrissage, la mission primaire s'est achevée et le robot a été mis en veille en attendant de jours meilleurs. Le site initial choisi permettait de recharger la batterie en 10 heures. Hors, après plusieurs rebonds, Philae s'est déporté sur un kilomètre dans une zone où l'ensoleillement est sept fois moins important. Le programme sera fortement ralenti, n'autorisant les séances scientifiques qu'une fois tous les un à deux mois. Loin d'être catastrophique, la situation pourrait tourner à l'avantage de l'atterrisseur. S'il s'était posé à l'endroit prévu, il aurait fini par s'échauffer avant de s'éteindre définitivement. Protégé par l'ombre des parois où il est coincé, il pourrait vivre plus longtemps et même résister après le passage au périhélie de la comète en août 2015. De plus, il profitera du changement de saison qui le fera passer à une période estivale où la période d'ensoleillement sera maximale et plus profitable pour le rechargement de la batterie.
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