La NASA joue son vatout ce mardi après-midi avec le lancement d'Ares I-X, le lanceur qui doit remplacer à terme la navette et ramener des Américains sur la Lune à l'horizon 2020. Bien que ce lancement soit expérimental et soit assez éloigné d'un vol opérationnel, il n'en reste pas moins important, quelques jours après que la Commission Augustine ait rendu public son rapport sur les projets de vols habités américains et sur lesquels, le Président Obama doit statuer prochainement.
Lorsque le projet Constellations est lancé en janvier 2004 par le Président Bush, la NASA est en mauvaise posture. La navette spatiale, vieillissante, est clouée au sol depuis un an après la perte de Columbia, la doyenne de la flotte. L'engin est décrié depuis de nombreuses années, notamment sur sa fiabilité et son coût exorbitant. La désintégration de Columbia est la planche de salut pour une agence spatiale qui ne fait plus rêver ses contemporains. Le projet de station spatiale internationale a pris beaucoup de retard et aura finalement coûté autant que le projet Apollo pour des résultats scientifiques parfois remis en cause par les opposants aux vols habités. C'est donc dans ce contexte chaotique qu'est décidé le retour sur la Lune. Il devait se faire en plusieurs étapes. La première consistait à remettre en route la navette pour achever l'interminable chantier du complexe orbital d'ici 2010. Une fois terminé, la seconde étape pouvait enfin commencer, celle des vols habités à bord du vaisseau Orion lancé par Ares I, développé à partir des technologies mises au point dans les années 70 pour la navette. Idéalement, Orion devait transporter ses premiers passagers vers 2014-2015. A l'horizon 2020, la NASA aurait mis en service Ares V capable d'envoyer vers la Lune tout le matériel nécessaire à l'installation d'une base permanente au pôle nord. Si sur le papier, les objectifs sont précis et ambitieux, ils seront très vite décriés tant par les partisans que les opposants aux vols habités. Ce qui est décrié, ce ne sont pas les objectifs en eux-mêmes mais les moyens y parvenir. Avec une forme très proche de celle d'Apollo mais d'un volume habitable plus grand, Orion ressemble à s'y méprendre aux mythiques capsules des années 60. Certains parlent d'un retour en arrière de 40 ans. D'autres sont circonspects quant aux choix faits pour le lanceur. Le premier étage d'Ares I n'est ni plus ni moins qu'un booster de navette allongé. Sa forme très fine et allongée est un véritable casse-tête pour les informaticiens. En effet, sa longueur inhabituelle par rapport à son diamètre requiert un pilotage particulièrement précis et où les corrections devront être douces pour éviter que le lanceur ne s'embarque dans une position dangereuse. Et c'est ce lanceur en version d'essai qui va voler cette après-midi.
Ares I-X est donc le prototype d'essai de ce qui sera le futur moyen de transport américains pour les équipages, tant à destination de la station spatiale que de la Lune. Pour ce premier test, seul le premier étage en version booster de la navette sera expérimenté. Prévu pour fonctionner sur 5 segments à poudre, il n'en utilisera que 4 réels, comme ceux de la navette, et un fictif. Toute la partie supérieure, c'est-à-dire le second étage et le vaisseau Orion, sera factice et simulera tout le composite supérieur. Le décollage est prévu ce mardi entre 12 heures et 16 heures UTC depuis le pas de tir 39B au Kennedy Space Center. Pendant les 124 secondes de vol, Ares I-X devra montrer son aptitude à embarquer des astronautes dans un proche avenir et rassurer la NASA sur ses choix stratégiques dans son projet de retour sur la Lune. Pour se faire, ce vol permettra de vérifier le système de pilotage, la réaction de la structure du lanceur pendant les phases de vol ainsi que la séparation du premier étage de la maquette représentative de la partie supérieure. Au moment du largage, l'ensemble sera à une altitude de 39,6 km et culminera en vol balistique encore pendant une dizaine de kilomètres avant de retomber dans l'Atlantique. Lorsque le premier étage retombera dans l'océan suspendu par ses parachutes, la NASA saura qu'elle aura gagné une partie de son pari. Ce succès pourrait influencer sur les choix prochains dans la perspective d'un retour sur la Lune. Dans le cas d'un échec, la NASA devra très certainement revoir sa stratégie et probablement se baser sur d'autres options mises en évidence dans le rapport Augustine.
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