ABL Space Systems vient d’annoncer vouloir se concentrer sur les technologies de défense antimissile et abandonner le marché des lancements commerciaux. L’annonce a été faite sur les réseaux sociaux le 14 novembre dernier par Dan Piemont, co-fondateur et président de la société.
ABL Space Systems, une jeune entreprise californienne fondée en 2017 à El Segundo, s’appuie sur une stratégie innovante : développer un lanceur spatial à coût réduit et déployable rapidement. Pour y parvenir, la start-up mise sur une conception simplifiée, un recours intensif aux technologies modernes telles que l’impression 3D, les machines à commande numérique et l’automatisation des processus de lancement. Si la société est peu connue du grand public, elle visait à se démarquer dans un domaine largement dominé par des acteurs comme SpaceX et Rocket Lab.
Depuis sa création, ABL Space Systems a réussi à attirer d'importants investissements, levant plusieurs centaines de millions de dollars auprès de fonds de capital-risque. Parmi ses soutiens les plus notables figure Lockheed Martin, à la fois investisseur stratégique et client. En 2021, l’avionneur a signé un contrat ambitieux portant sur 58 lancements de la fusée RS1 d’ici à 2030.
Malgré ces ambitions, ABL Space Systems doit faire face à de nombreux obstacles. La concurrence avec SpaceX, leader incontesté du secteur, est particulièrement rude. Par ailleurs, les défis techniques rencontrés pour rendre le système de lancement pleinement opérationnel ont ralenti les progrès de l’entreprise.
Le lanceur RS1 est au cœur de l’offre d’ABL Space Systems. Il mesure 12 m de haut et est constitué de deux étages à ergols liquides. Il est capable de transporter une charge utile de 1 350 kg en orbite basse. Son prix compétitif de 12 millions de dollars par lancement visait à séduire les opérateurs de satellites à la recherche de solutions économiques et flexibles.
Le développement de la fusée RS1 s’est heurté à de nombreuses difficultés techniques et échecs.
En janvier 2022, une étape clé de développement a été marquée par un accident lors d’un essai au sol. Un exemplaire du deuxième étage a explosé sur le banc d’essai au Mojave Air and Space Port suite à la défaillance de la turbopompe du moteur E2 Vacuum, entraînant un incendie suivi d’une explosion après seulement 20 secondes de fonctionnement.
Le vol inaugural de la fusée RS1 s’est soldé par un échec cuisant le 10 janvier 2023. Après un décollage depuis le Pacific Spaceport Complex en Alaska, le premier étage a subi une perte totale de puissance, conduisant à l’arrêt des 9 moteurs après 11 secondes de vol. La fusée s’est écrasée à proximité de son pas de tir.
Cet échec faisait suite à plusieurs annulations du lancement les deux mois précédents, souvent pour des raisons techniques survenant jusqu’à la dernière seconde avant le décollage.
En juillet 2024, un nouvel exemplaire de RS1 a été détruit lors d’une mise à feu statique. Une fuite sur deux moteurs a alimenté un incendie qui a finalement conduit à l’explosion de la fusée quelques minutes plus tard.
Ces échecs répétés ont eu de graves conséquences pour ABL Space Systems. Quelques semaines après la perte de la RS1 lors de la mise à feu statique, l’entreprise a annoncé un important plan de licenciements, réduisant drastiquement ses effectifs pour contenir les coûts.
ABL Space Systems voudrait désormais se recentrer sur des activités plus rentables, notamment le secteur militaire, où elle collabore déjà avec le Pentagone pour la défense antimissile. Les technologies développées pour la RS1, comme la motorisation, sont facilement adaptables à des applications militaires. Cependant, cette réorientation devrait engendrer une nouvelle vague de licenciements dans les mois à venir.
Le marché du lancement de petits satellites est de plus en plus compétitif, et ABL Space Systems n’est pas la seule entreprise à en faire les frais. Virgin Orbit a déposé le bilan en 2023, et Astra lutte toujours contre des difficultés techniques et financières.
Malgré ces revers, de nombreux projets de micro-lanceurs émergent à travers le monde. Si beaucoup resteront au stade du vol d’essai, certains pourraient tirer leur épingle du jeu dans un secteur en constante évolution.
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