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Luna 25 - Soyuz
Photo Roscosmos

Lancement de Luna 25 : La Russie renoue avec l'exploration lunaire

12-08-2023 (Màj: 12-08-2023) Philippe Volvert

Quarante-sept ans après la fin de la mission Luna 24, la Russie fait un nouveau voyage vers la Lune après le lancement réussi de la sonde Luna 25, qui a été retardé de plusieurs années par rapport au calendrier initial. Le décollage a eu lieu à 23 heures 10 UTC du cosmodrome Vostochny, durant la nuit de jeudi à vendredi, grâce à une fusée Soyuz 2.1b équipée d'un étage Fregat.

Le 21 août prochain, la mission Luna 25 prévoit d'effectuer un atterrissage dans la zone située au pôle Sud de la Lune, plus précisément au nord du cratère Bogoulavsky. Deux autres emplacements à proximité sont également pris en considération au cas où l'emplacement principal ne serait pas optimal pour le déploiement de cette sonde de 1,7 tonne. L'emplacement se trouve à une distance de 120 kilomètres de la zone où la sonde indienne Chandrayaan 3 atterrira deux jours plus tard.

Luna 25, un parcours chaotique

A la fin des années 90, la Russie prend de nouveau en considération l'exploration lunaire au moyen de missions automatisées. A la suite de l'effondrement de l'Union soviétique et des défis économiques qui en découlent, la Russie fait face à des difficultés pour maintenir son programme spatial ambitieux. Elle parvient tout juste à maintenir ses missions habitées et sa flotte de lanceurs spatiaux, grâce à un soutien substantiel de la part de l'Occident. Malgré ces circonstances défavorables, un premier projet de mission lunaire, appelé Luna Glob, voit le jour en 1997. Ce projet implique le déploiement d'un orbiteur qui larguerait trois pénétrateurs pesant 250 kg chacun, conçus pour pénétrer sous la surface lunaire. Bien que ce projet n'ait pas dépassé le stade de la conception, il a posé les fondations d'un programme qui prendra forme quelques années plus tard.

En raison de contraintes financières, la Russie explore la possibilité d'une collaboration internationale pour mener une mission d'exploration lunaire. Diverses agences spatiales sont sollicitées, mais les pourparlers n'aboutissent pas à des résultats tangibles. Néanmoins, le projet Luna Glob est préservé et subit plusieurs ajustements au fil des discussions avec les partenaires internationaux. En août 2006, la mission reçoit le statut de priorité parmi les projets spatiaux en cours de développement.

L'échec de la mission martienne Fobos-Grunt en 2011 met en évidence les lacunes dans les compétences de l'industrie spatiale russe en matière d'exploration spatiale, ainsi que des problèmes organisationnels significatifs. Les retombées de cet échec sont immédiates, conduisant au report du lancement prévu à l'origine pour 2012 de la mission Luna Glob, avec une date potentielle désormais fixée au plus tôt en 2016. La conception de la sonde lunaire, fortement influencée par l'expérience de Fobos-Grunt, est totalement revue et corrigée. En 2014, les spécifications techniques ainsi que les objectifs scientifiques de la mission sont définitivement établis.

L'objectif principal de la mission Luna Glob repose essentiellement sur des aspects techniques. Les responsables du programme aspirent à renouer avec l'expertise en exploration spatiale lointaine, qui s'est étiolée après la dissolution de l'Union Soviétique. Luna Glob se concentrera sur le perfectionnement des compétences en navigation, les techniques d'atterrissage ainsi que les systèmes de télécommunications, lesquels seront par la suite employés dans les missions à venir. Toutefois, au-delà de ces priorités techniques, la mission prévoit également l'analyse du régolithe lunaire dans les régions polaires, atteignant une profondeur de 50 centimètres, et la collecte de données concernant l'exosphère.

A l'approche de la date prévue pour le lancement, le fabricant NPO Lavochkin s'est trouvé confronté à de nouvelles complications. En raison des tensions entre la Russie et l'Ukraine, un embargo sur les circuits intégrés a été instauré par les nations occidentales, ce qui a contraint le chef de projet de la sonde à réexaminer certains équipements nécessitant de l'électronique occidentale. En outre, des ennuis survenus pendant la phase de qualification du radar DISD-LR, élément crucial dont la présence est indispensable pour un atterrissage réussi sur la Lune, ont entraîné un report du départ de plusieurs mois.

La mission Luna 25

Luna 25 par Lavochkin
Illustration montrant la sonde Luna 25 posée à la surface de la Lune - NP Lavochkin

La mission Luna 25 se présente principalement comme un prototype technologique, chargé de mettre à l'épreuve toutes les fonctionnalités essentielles à la réussite d'un atterrissage lunaire. La réussite de cette mission revêt une importance capitale pour la suite du programme dans son ensemble. La sonde devra réaliser divers essais de communication entre les régions polaires de la Lune et la Terre, tester et valider le fonctionnement du bras télécommandé qui récoltera du régolithe.

Cependant, à bord de Luna 25 sont également incluses plusieurs expérimentations scientifiques, visant à examiner les diverses caractéristiques du régolithe lunaire dans la zone polaire. De plus, ces expériences mesureront les proportions des éléments chimiques présents dans le régolithe et évalueront la quantité d'eau qu'il renferme. Luna 25 s'intéressera aux caractéristiques du plasma et de l'exosphère neutre au pôle.

Les opérations de Luna 25 sont planifiées exclusivement pendant les journées lunaires, correspondant à la période où la sonde est exposée à la lumière du Soleil (une journée lunaire équivaut à environ 14,5 jours terrestres). Lors des nuits lunaires, un générateur thermoélectrique à radioisotope sera responsable de fournir l'énergie requise pour maintenir la sonde à une température stable. La durée prévue de fonctionnement pour le module d'atterrissage s'étend sur environ un an.

Luna 25, la suite du programme lunaire soviétique

Contrairement à ce que son appellation pourrait suggérer, Luna 25 ne constitue pas la vingt-cinquième sonde que la Russie envoie vers la Lune. Pendant l'ère soviétique, principalement dans le but de dissimuler les échecs fréquents qui marquaient alors le programme spatial, seuls les satellites parvenant à l'orbite étaient numérotés et rendus publics.

Le programme Luna débute en septembre 1958 avec un échec, la fusée explosant quelques instants après le décollage. Ce n'est qu'à la quatrième tentative que l'Union Soviétique parvient à réussir à placer un engin au-delà de l'orbite terrestre. En janvier 1959, Luna 1 devient le premier engin à réussir à prendre la direction de la Lune. Quelques mois plus tard, Luna 3 (la septième mission de la série) nous gratifie des premières images de la face cachée de la Lune. Toutefois, ce n'est qu'en janvier 1966 que l'Union Soviétique réussit à faire atterrir et fonctionner une sonde à la surface lunaire. Il s'agissait de Luna 9, la vingt-et-unième sonde du programme.

Suite à l'échec de Luna 15, qui devait collecter des échantillons lunaires avant l'arrivée des astronautes d'Apollo 11, Luna 16 réussit à ramener sur Terre 105 grammes de poussière lunaire. Deux mois après cet exploit, l'Union Soviétique déploie Luna 17 et son rover sur roues, Lunakhod 1. Ce dernier fonctionnera durant près d'un an, couvrant une distance d'environ 10 km à la surface lunaire. Les missions alternant entre collecte d'échantillons et rovers se poursuivront jusqu'en 1976, marquée par le lancement de Luna 24.

En tout, ce ne sont pas moins de 45 sondes que l'ancienne URSS et Russie ont envoyé vers notre plus proche voisine dont près de la moitié n'ont pu dépasser l'orbite terrestre.

Sources

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