Etre propriétaire d'un satellite de télécommunications, ou de tout autre satellite, n'est pas un travail de tout repos. A chacune des étapes de la vie de l'engin, il faut faire des choix qui doivent être les plus judicieux possible afin de tirer le maximum de bénéfices sur l'opération. Dans un premier temps, une liste de critères est établie afin de déterminer les besoins réels de l'opérateur. Répondre à la question sur l'utilité du satellite est importante dans le choix de l'équipement qu'il emportera. Prenons le cas d'un satellite de télécommunication. La terminologie « télécommunications » englobe tout ce qui touche au transport de l'information. Cela va de la téléphonie à la télévision en passant par le relai des données, ... Chacun d'eux utilise une bande spectrale spécifique qui requiert l'équipement adéquat. La zone de couverture du satellite est tout aussi importante puisqu'il va déterminer la taille, la forme et le nombre d'antennes qu'il emportera. Maintenant que le type de satellite est défini, il reste à trouver un industriel qui pourra répondre au cahier des charges. Il en existe plus d'une dizaine à travers le monde. La plupart du temps, le futur propriétaire se tournera vers un américain ou un européen qui ont la réputation de fournir des satellites fiables avec une durée de vie supérieure à celle de satellites russes par exemple. Après un appel d'offres, le constructeur est désigné.
Pour réduire les coûts de fabrication et les délais de livraison, les industriels ont appliqué au domaine du spatial ce qui existe dans le monde de l'aéronautique. Rien d'étonnant à cela lorsque l'on sait qu'il s'agit des mêmes compagnies. Ils ont développé des plates-formes standardisées aménageables avec des kits que l'on appelle « bus » dans le jargon de l'astronautique ou « modules de service ». A cela s'ajoute l'équipement spécifique à la mission que l'on appelle « charge utile ». En concertation avec le futur propriétaire, l'industriel choisira le « bus » le plus adapté à la mission prévue pour le satellite. Une fois l'architecture définie, il ne reste plus qu'à le construire.
Un satellite c'est un bijou de haute technologie bourré d'électroniques et de mécaniques fragiles. Il demande des précautions drastiques en matière d'environnement pendant sa phase d'assemblage. Il serait particulièrement ennuyeux qu'une particule polluante vienne bloquer un mécanisme rendant le satellite inopérant conduisant à une perte sèche de plusieurs dizaines de millions d'euros. L'assemblage des différentes pièces se fait dans une salle propre où l'atmosphère est filtrée et maintenue en légère surpression afin d'empêcher une contamination venant de l'extérieur. Pour la petite histoire, les satellites de télécommunications sont assemblés dans des salles de la classe ISO 8 tandis que les satellites scientifiques le sont dans des salles de la classe ISO 5. Le personnel appelé à travailler dans les salles blanches est habillé de tenues minimisant l'impact d'une pollution de l'air.
Le processus d'assemblage, d'intégration et de tests d'un satellite prend entre 6 et 9 mois selon la complexité de l'architecture, au terme desquels il sera envoyé vers un centre spatial pour son lancement dans l'espace.
La construction du satellite débute par l'assemblage du module de service qui comprend les réservoirs d'ergols, les panneaux solaires, le système de propulsion (tuyauterie, moteurs) et l'électronique qui va avec. La charge utile est assemblée indépendamment du module de service. Celle-ci est montée sur de larges parois qui serviront de squelette au satellite. Vient ensuite la délicate opération de couplage de la charge utile avec le module de service ainsi que des connexions électriques qui sont vérifiées l'une après l'autre.
Le satellite quasi complet est conduit dans une chambre à vide thermique, caisson de plusieurs mètres de diamètre où vont être simulées les conditions thermiques rencontrées dans le vide spatial. Pendant plusieurs semaines, il va être exposé à des températures variant de -170° Celsius à +120° Celsius par pallier. A chaque pallier, une batterie de tests permet de vérifier le bon fonctionnement des différents équipements.
Une fois sorti de la chambre thermique, l'assemblage du satellite se poursuit. Les antennes sont fixées sur leur support et alignées pour, qu'une fois dans l'espace et déployées, elles pointent vers la zone souhaitée. Les panneaux solaires sont les dernières pièces ajoutées au puzzle. Des essais de déploiement sont réalisés le long d'un rail afin de s'assurer du bon fonctionnement du mécanisme d'ouverture. Désormais le satellite est complet mais n'est pas encore prêt à partir. Il doit encore subir une autre batterie de tests avant son départ pour l'espace.
Avant sa livraison, il faut s'assurer que les performances de sa charge utile sont conformes aux attentes. Les essais se déroulent dans une chambre anéchoïque conçue pour absorber les ondes sonores ou électromagnétiques, en reproduisant des conditions de champ libre et ne provoquant donc pas d'écho pouvant perturber les mesures. Les antennes du satellite émettent vers des miroirs qui convertissent les signaux en ondes planes comme s'ils étaient émis à une distance de 36 000 km. Au terme de ces essais, le satellite est déclaré apte pour un lancement. Il est reconduit en salle blanche pour les finitions (l'ajout de couvertures d'isolation thermique et le verrouillage de tous les mécanismes) et mis sous container climatisé avant d'être chargé dans un avion à destination du centre spatial.
A quelques semaines du lancement, il arrive par avion au centre spatial accompagné par une équipe de techniciens. C'est la dernière ligne droite avant le jour J mais il reste encore du travail. Il passe une dernière fois en salle blanche où il est préparé. On lui retire toutes les protections dont il a été affublé pour le transport, il est contrôlé une dernière fois puis rempli d'ergols. Il est ensuite monté sur le lanceur, enfermé sous une coiffe qui le protège des intempéries et qui le maintient à une température stable avec une qualité de l'air irréprochable.
Après plusieurs mois d'un travail laborieux, le satellite s'envole enfin dans l'espace. Le personnel qui a contribué à sa conception passe la main à l'équipe chargée de son exploitation. Un satellite de télécommunications est conçu pour fonctionner sur une orbite géostationnaire, orbite circulaire à 36 000 km de la Terre alignée le long de l'équateur. Dans la majorité des cas, le satellite est injecté sur une orbite intermédiaire appelée orbite de transfert géostationnaire. Il s'agit d'une orbite elliptique avec un apogée proche de l'altitude définitive, un périgée à quelques centaines de kilomètres d'altitude et une inclinaison égale à celle de la base de lancement. Pour un satellite expédié depuis la Guyane, elle sera d'environ 5° sur le plan équatorial. Cependant, des manoeuvres de l'étage supérieur de la fusée permettent de réduire cet écart.
Depuis son lancement, le satellite puise son énergie sur ses propres batteries. Hors celles-ci ont une autonomie limitée à quelques heures seulement. Dès lors, la première chose à faire une fois le satellite dans l'espace, c'est d'ouvrir partiellement les panneaux solaires et de les orienter en direction du Soleil. Certaines antennes sont ensuite déployées et le satellite peut désormais communiquer avec les stations de poursuite. Les premiers signaux reçus par le centre de contrôle correspondent à l'état de santé du satellite et la réussite ou non de l'activation de ce dernier.
Pour l'heure le satellite se trouve toujours sur une orbite de transfert géostationnaire. Il va falloir le mener de cette orbite à son orbite définitive. Pour se faire, plusieurs mises à feu d'un moteur seront effectuées au passage à l'apogée afin de rehausser le périgée. En quelques jours, l'orbite est circularisée à 36 000 km autour de la Terre. Une fois à son poste de travail, les panneaux solaires sont déployés totalement et la charge utile activée et contrôlée. Ce n'est qu'à partir de ce moment qu'il devient pleinement opérationnel.
Opérationnel certes mais pas totalement autonome. Pendant toute la vie du satellite, son état de santé sera contrôlé, tout comme ses performances. Le cas échéant, il peut être déplacé pour couvrir une autre zone si nécessaire. La durée de vie d'un satellite dépend grandement de la quantité d'ergols présente dans ses réservoirs. Sur l'orbite géostationnaire, la synchronisation de l'orbite du satellite avec la rotation de la Terre n'est pas parfaite, ce qui conduit à une dérive permanente. Si celle-ci devient importante, il est nécessaire de procéder à une correction orbitale qui consiste à lui donner une petite impulsion à l'aide de ses moteurs de manoeuvres orbitales afin de le repositionner au bon endroit.
Un satellite occidental est conçu pour fonctionner environ 15 ans. Mais bien avant l'échéance, le propriétaire doit prévoir l'avenir. Cet avenir se concrétise par deux plans d'action. Le premier concerne le replacement du satellite vieillissant par un autre déjà sur orbite ou le lancement d'un nouveau qui viendra se positionner non loin en attendant de prendre la relève. Le second prévoit la libération de la place pour son successeur. En effet, il est hors de question de laisser un débris spatial dériver entre les satellites fonctionnels au risque d'entrer en collision. Il existe une parade qui porte le nom d'orbite cimetière. Les contrôleurs allument les moteurs de l'engin pour rehausser son orbite de 300 km. Là, ses réservoirs sont vidangés pour éviter les risques d'explosion et ses équipements sont ensuite éteints évitant qu'il n'interfère avec les autres satellites près desquels il va passer.
Sources